Carnets atlantiques
Les essais que le lecteur va découvrir dans cet opus constituent un itinerarium mentis des temps modernes : en cette époque planétaire d'inculture glorifiée et d'effondrement existentiel globalisé, tout le monde, massive démagogie aidant, a des idées sur tout et le contraire de tout. Qu'un individu, au cours d'une vie, je la lui souhaite la plus complète et la plus exacte possible, trouve, aujourd'hui, une, voire deux vraies idées, et l'amplitude pour les développer, outre le désir, est déjà, en soi, remarquable... La situation est un peu connue : l’étroitesse concertée de vue, le bofisme bavard béat et les manœuvres à l’emporte-pièce ont déterminément de beaux jours devant eux. Donc, vis-à-vis de tout ça, délétère, selon moi, au suprême, qui ne va pas en s’arrangeant, la seule attitude valable, éthique non moins qu’esthétique, est la résistance intellectuelle active. De lieux mentaux en lieux géographiques, les thèmes, littérature mondiale, art, saisons et déambulations nomades, hors de topologies trop évidentes, se répondent, en échos porteurs d’énergie, au gré de mon itinéraire multiforme. Et interpellent pour qui sait lire.
Né en 1957 à Paris, Francis Donskoï vit et travaille sur les rives de la Méditerranée, entre montagne et mer, dans son atelier des dix mille livres aux quatre vents. Originaire en conscience des espaces culturels slaves et celtes, « celtes et slaves, même combat », dit l’un de ses amis, s’exprimant en langue française dans une perspective résolument transeuropéenne, Francis Donskoï « trace des signes » depuis qu’il sait marcher et lire. Outre un journal qui couvre des décennies, il tient toutes sortes de carnets, « le carnet, format de l’extrême mobilité psycho-géographique », qui enregistrent avec vigilance des choses entendues, vues, lues. On y trouve également des rencontres sensibles avec des individus réels ou des personnages fictifs, des écrivains et des plasticiens, ainsi que des traversées existentielles, des voyages diversicolores - des « déambulations nomades » par affinité avec Arthur Rimbaud - des pensées vagabondes, des épiphanies. « J’ai une bonne étoile et une fortune relative ». Du point de vue de son inscription sociale, si l’éducation reste la grande affaire de toujours, Francis Donskoï aime dire sur le ton de l’humour et cette forme d’esprit en partage avec Tchouang-tseu, Montaigne, Thoreau et Nietzsche qu’il n’est pas à un paradoxe près : « Lorsque je mesure mon chemin de vie, je me dis que j’ai autrefois pratiqué des métiers étonnants pour moi-même et ceux qui pensent me connaître, j’ai même été marin !, des situations qui m’ont parfois mis au contact direct de l’humanité la plus nue…» Grand voyageur, professionnel de la documentation, concepteur de projets pédagogiques, il lui arrive aussi d’enseigner la littérature et la civilisation des pays anglophones à l’université.
