Jérôme Daquin
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Voici ce qu'écrit Alain Rollat, journaliste et ancien directeur-adjoint du "Monde", dans sa chronique littéraire sur le site dis-leur.fr

Hier, dans sa vie antérieure, Jérôme Daquin était journaliste. Il exerçait son métier à l’AFP, la célèbre Agence France Presse, pourvoyeuse planétaire d’informations rigoureusement vérifiées.

Aujourd’hui, dans sa vie de retraité hyperactif, Jérôme Daquin anime des ateliers d’écriture auxquels participent, en Occitanie comme ailleurs, beaucoup d’amoureux de la littérature buissonnière, celle qui se moque de toutes les convenances et qui mélange à plaisir les genres parce que, pour ses praticiens, écrire est avant tout un jeu.

Et il arrive à Jérôme Daquin de relever lui-même les défis qu’il lance aux autres quand son atelier d’écriture propose aux participants d’improviser des histoires dans le cadre de thèmes imposés.

Il y a donc fort à parier que L’Histoire improbable qu’il vient de publier a été produite par un atelier d’écriture dont le thème, imposé par ses soins, devait être à peu près celui-ci : “Écrivez le scénario d’un polar dont l’action se situerait en 2044, quelque part en Europe, dans un univers géopolitique et sociétal inspiré par Michel Houellebecq et dont le héros principal pourrait être incarné par l’acteur Jean Dujardin…”

Si tel était le défi, il est parfaitement réussi. Cette Histoire Improbable, sous-titrée Roman-fiction d’un cauchemar européen, mériterait un label hollywoodien à la française. Michel Houellebecq adorerait le paysage imaginé par Jérôme Daquin.

Nous sommes donc en 2044. L’Union européenne est en état de décomposition avancée. Son siège a été transporté à Strasbourg par un Emmanuel Macron qui est l’un des rares présidents à y croire encore. Celui-ci exerce encore son pouvoir monarchique parce qu’il a fait modifier la Constitution pour obtenir le renouvellement de son mandat avant d’abolir l’élection du président de la République française au suffrage universel pour confier la responsabilité de choisir le chef de l’Etat à “un aréopage de crânes d’œufs”.

“Califat de Flandre”
L’ONU, elle, a déménagé à Bruxelles qui n’est plus la capitale de la Belgique car la Belgique n’existe plus depuis que les Flamands ont proclamé leur indépendance. L’OTAN existe encore mais la guerre en Ukraine, sans vainqueurs ni vaincus, s’est terminée par un accord entre Washington et Moscou qui gèrent ensemble cette “semi-démocratie” dont le territoire a été neutralisé.

La Chine, de plus en plus fâchée avec l’Occident, a banni l’usage de l’anglais des discussions internationales et n’accepte que l’usage du mandarin. Les pays africains l’ont imitée pour exiger l’usage de leurs propres idiomes, ce qui pose à tous les autres pays la question du recrutement massif d’interprètes introuvables.

Et ce nouvel Ordre du monde est très perturbé par les activités criminelles d’un pseudo “Califat de Flandre” dont les mercenaires, sous couvert d’islamisme, font régner la terreur dans les eaux de la Manche à partir des anciens camps de réfugiés de Calais et d’ailleurs.

C’est dans ce paysage géopolitique que Jérôme Daquin installe son héros principal dans un rôle taillé sur mesure pour un Jean Dujardin. C’est un as des services de renseignement français qui surfe comme Brice de Nice sur sa routine professionnelle et son désert sentimental.

Son job consiste à observer les activités terroristes des pirates islamisés écumant la Manche depuis un QG de surveillance installé dans un ancien blockhaus allemand. Il s’appelle Karim Vandenbroucke, natif de Roubaix, fils cadet d’un couple de cht’is convertis à l’islam.

L’intrigue habilement construite, récit vif
Lui se moque éperdument de toutes les religions mais son grand frère, Wassim est un pervers narcissique, délinquant notoire, qui camoufle ses trafics sous un vernis intégriste et qui a obligé leur petite sœur, la belle Houria, à épouser un néo-nazi sadique avant de la vendre comme esclave sexuelle à des “fous d’Allah”.

Son problème personnel à lui, Karim Vandenbroucke, c’est que l’amour de sa vie, Iza Chane-Xui, une gracieuse anthropologue eurasienne, s’est brusquement volatilisée. Elle a disparu au cours d’une mission en Chine, chez les Ouïghours musulmans…

L’intrigue est habilement construite, le récit vif, sans fioritures, le suspense assuré, le savoir-faire journalistique de l’auteur très efficace. Jérôme Daquin s’amuse et régale. On lira son Histoire improbable avec plaisir parce qu’elle est moins prétentieuse qu’un roman de Houellebecq mais beaucoup plus divertissante.