Malak Amani
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Lecture agréable. Un roman-essai qui fait réfléchir.
Dounia est l'héroïne d'un film de Woody Allen.
Elle nous embraque dans une Algérie en ébullition en régression et modernité.
J'ai adoré suivre l'aventure de cette bande d'amis mixtes.
L'écrivaine a su reconstituer de façon clairvoyante des faits historiques des années 90 (décennie noire) sous le prisme de questionnements de jeunesse. Oran devient la capitale de l'espoir.
Et puis la trame de cette histoire est l'amour. On se surprend à rêver dans une Algérie où les algériens eux-mêmes ne font que s'en plaindre. Je crois bien que c'est le premier roman positif que j'ai lu . La question de la femme est bien posée. Eclairage sociologique et tout en nuance.
Et puis des réflexions très actuelles à travers le journal de Dounia , j'avoue que c'est mon moment de lecture le plus apprécié.
Je partage cet extrait que je trouve fabuleux:
"il y a une sorte de loi universelle qui dit que pour vivre ses aspirations, quitter son lieu de naissance, l’endroit où on a grandi et les proches qui souvent nous empêchent d’être “nous-même” demeure un passage de rite que l’éducation devrait encourager. Les gens côtoyés au début de sa vie ont tendance à toujours se rappeler de qui nous étions et non pas de ce que nous sommes devenus. Ce regard était souvent source de tensions. "

Tout le livre est parsemé de passages qui font réfléchir. Beaucoup d'humour, de joie , de révoltes et je le dis d'amitié , d'amour et d'échanges.
Je souhaite une bonne diffusion de ce livre. Merci à l'auteur.

Fouzia Zemmali
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Sémiramis est un roman captivant

Sofiane D
4
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Ih ya Dounia !

Roman " Sémiramis au Pays de Dounia", après avoir quitté le salon du livre à Paris, j'ai commencé à le feuilleter. J'ai lu la première page, puis la seconde, et en arrivant chez moi, j'étais déjà au troisième chapitre. Cela m'a fait plaisir, car l'écrivaine est une amie, et il est si bon d'apprécier le travail d'une personne que l'on estime grandement.

Mon avis franc et bienveillant m'a fait perdre plusieurs amitiés, certaines que je regrette et d'autres pas.

Je suis donc ravi d'exprimer toute mon appréciation envers cet écrit prometteur.

La Décennie noire a pris une place importante et impactante dans nos vies, surtout celle de ma génération. Le mouvement de population, l'immigration, le chaos politique et les revirements moraux et éthiques de tout un peuple, sans parler des clivages et des blessures toujours aussi vives jusqu'à présent.

L'expression artistique de ces années est restée otage de l'Histoire avec un grand H et de ses traumatismes, sans pouvoir les surpasser. Elle a fait passer l'être humain comme un objet désarticulé entre les mains d'une fatalité historique au cycle sanglant. Y.B l'a bien exprimé de manière ironique dans son roman "L'explication", une comédie noire qui tente d'expliquer ce cycle de violence par la théorie du complot autour d'une secte millénaire et mystique. C'est le seul roman algérien qui m'a fait rire et effrayé à la fois. Yasmina Khadra a lui aussi parlé de la guerre civile d'une manière très maladroite dans "À quoi rêvent les loups", un auteur qui a eu du mal à se défaire de son treillis militaire. Maïssa Bay l'a abordée d'une manière assez scolaire, et d'autres auteurs également.

La seule expression artistique qui a narré la vie quotidienne était le Raï, mais après l'assassinat de Hasni et d'autres artistes, ce genre musical a été bâillonné. Quelques albums sont sortis de manière sporadique, mais Oran l'indomptable Sodome, la Babylone, "la cause perdue", s'est-elle tu ?

Et nous, dans tout ça ?

Sommes-nous que des stigmates, ou avions-nous une vie qui se rapprochait de la normalité durant cette période ?

Zoubida Berrahou a réussi à écrire un roman qui a mûri dans sa tête, qu'elle a porté comme un ultime témoignage des personnes lambda qui ont vécu autre chose que le traumatisme historique. C'est une littérature qui nous libère de l'aspect trop journalistique de cette période.

Dans l'immeuble Sémiramis, Dounia déambule entre le salon et la cuisine, croise sa mère, lit le journal, appelle des amis, rend des services ou en demande à ses amies. Elle parle de ses amours, les vit et rompt avec ses ex.

Ce roman, plein de fraîcheur et d'humilité, dit peut-être plus qu'il ne semble le dire. Je ne sais pas si c'était volontaire ou non de la part de l'écr

ivaine, nous rendant sans fioritures notre normalité perdue.

L'Histoire et sa tragédie, très présentes au début du roman, voient leur brouhaha s'atténuer peu à peu, laissant place à Dounia et à ses chroniques. Cela laisse place à la vie et à l'amour, sans mièvrerie ni prose ridicule.

Dounia est peut-être cette femme que nous avons croisée trop tôt dans notre vie, ce genre de personne sage et lucide, trop bien pour nous. Elle s'est attardée un court moment, mettant en pause sa marche vers la réussite, car elle pensait déceler un certain potentiel en nous. Puis elle a poursuivi son chemin, nous laissant dans des dédales et des labyrinthes que nous avons pris pour des raccourcis.

Dounia, c'est la force tranquille, le courage lucide d'une femme qui s'assume et qui choisit ses combats sans démarche autodestructrice qui mène au martyre.

Loin des héroïnes fougueuses et enragées, Dounia est aussi remplie de faiblesses, de défauts, tout comme ses amis et encore plus ses amours. Lydia, Nora, Sami, Jawida apparaissent avec l'aisance d'une sitcom agréable et digeste, mais qui nous emmène en voyage dans le temps et l'espace.

J'aime ce roman comme j'ai aimé Dounia, car il me rappelle et il me parle en face, sans artifices et avec franchise. Il me prend par la main et me fait découvrir son monde.

En fermant ce roman, j'ai ressenti de l'espoir et de la nostalgie. Pendant sa lecture, j'ai habité l'immeuble de cette divinité persane.