Jean Jacques Dorio
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On peut lire à l'article ORIGINAL :

Original en ses deux sens : premier et singulier.

J’ai été le premier de la famille à « faire des études ». Après « l’école primaire », j’ai fait comme il se doit « le cours complémentaire » (avant que le nom disparaisse, changé en « collège »), puis le lycée que j’ai quitté au bout d’un an pour l’École Normale d’Instituteurs (le graal pour une famille issue de valets de ferme puis de petits paysans), et un peu d’Université. Le premier, côté homme, à ne pas faire son « service militaire » mais la « coopération culturelle » donnant des cours joyeux de langue française sous les tropiques caraquègnes.

Singulier ? Sous l’angle du langage le souci constant de se soustraire à la servitude volontaire de la culture de masse par des lectures incessantes dans tous les domaines, les alertes et les impasses, le temps long laissé à l’incompréhension, la confusion, à condition que Conatus nous maintienne. Persévérer, échanger, susciter, ondoyer, avec et pour autrui, poésie de la pensée, pensée de la poésie. Et puis à la fin de l’histoire, avec sa petite hache, la disparition Qui au sortir d’un Corpus compilant nous conduira tout droit au zoo.

*italiques : Étienne de la La Boétie, Baruch Spinoza, George Steiner, Georges Perec.

Jean Jacques Dorio
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Du "bateau ivre" au bateau livre, j’ai lancé sur le vieil océan des publications, "Un dictionnaire à part moi", un livre fait de 189 pages, pour qu’on les feuillette et que ses lecteurs, imaginant avoir écrit certaines de ses entrées, me fassent quelques signes de reconnaissance, agitant eux aussi (elles aussi), leur main à plume, couci-couça.

Jean Louis Rambour
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Lire un dictionnaire n'est pas une chose facile et l'ordre alphabétique n'est pas celui qu'on adopte pour maîtriser le livre. C'est tout à la fois une biographie, un recueil de poèmes, un journal, un "travail marqué par la diversité" (tous les genres sont exploités...), un voyage, un bilan, un message de sagesse ("SAPIENTIA"), voire un testament, c'est-à-dire quelque chose qui regarde la vie, regarde la mort. "Le rideau de scène tombe lentement", mais le choix est à la persévérance, au "charme de l'éternité"...

Sophie Chambon
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Et c'est passionnant de voir comment se croisent toutes les pistes, sans se brouiller, ce recueil de digressions savantes entretenues par le hasard des lectures, les associations d'idées pas si saugrenues, tous les glissements de sens, de langue. Cette passementerie, ce "patchwork in progress", ce savant "mets y tout" touillé délicatement, c'est le travail d'une vie. On y retrouve les lectures aimées, lues et relues, les listes perecquiennes que je partage volontiers, les travaux d'écriture journaliers. Cet abécédaire impertinent ne veut pas trop prendre par la main le lecteur avec des entrées aguicheuses, des noms qui en jettent... On ne se dit pas "Que pense-t-il de Proust, Montaigne, Barthes, Genette ?" Ce qui pousserait un peu trop vite à choisir les entrées en question. Il faut musarder, prendre le temps. Ce livret se lisotte au hasard, guidé par le choix des mots qui sonnent bien à notre oreille, la curiosité de vous lire sur certains thèmes, les surprises provoquées malicieusement souvent.

SISMOGRAPHE
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Avec des mots simples, issus de ce « dictionnaire à part moi », on peut nommer le monde : Abricotier, Bois, Cahier, Échelle, Fenêtres, Hamac, Journal, Livre, Oiseaux, Pirogue, Sabots, Terre, Voyage…Sur un cahier d’écolier, une feuille blanche A4, un petit carnet de voyage, une main écrit, trace des signes, comme l’appareil – le sismographe- qui transmet les légères secousses de la Terre. Et c’est ainsi, nous sommes une petite terre faite de secousses, et sans ce bâton d’écriture relié à Nature, nous étoufferions, enfermés dans notre petite et insignifiante personne.

SALAMANDRE
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"Où donc à quelle époque ai-je connu ce type
à la fois poète et prosateur et tout un
bonhomme À tout faire je m’aperçois alors
que cet individu n’est autre que moi-même
Oh dans quelle galère alors je me foutis"
Raymond Queneau

"Les formes de ma vie sont ainsi entrées les unes dans les autres."
Chateaubriand

Je suis un juif en quête d’identité.
Je suis un sdf noir dans Lower Manhattan.
Je suis Dorio inscrit sur le mémorial des morts du Vietnam à Washington.
Je suis inscrit aussi au paradis artificiel des poètes que nul ne connaît.
Je suis l’arbre qui cache la forêt de la bibliothèque de Babel.
Je suis la salamandre gluante des sources de fer rouges du Moudang,
près des granges où les bergers du Haut Aragon surveillent las ouèillos.
Je suis le tourniquet du temps et la flèche de Zénon d’Élée
qui n’atteindra jamais son but en blanc.

Je suis le dernier carré du champ de coquelicot
où tu t’es assise un soir de printemps
en me disant :
si je meurs avant toi, mon cœur,
c’est là que tu viendras me retrouver,
chaque dimanche en secret,
et que tu me feras entendre
une chanson toujours renouvelée.

Jean Marie Corbusier
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Un dictionnaire à part soi

Les lignes directrices de ce dictionnaire sont la sincérité, le cœur avant la raison. Le lecteur a l’impression de pénétrer dans une vie privée, mais tout de suite, ce que l’auteur nous dit, à certains moments, nous le faisons nôtre, deux voix alors se joignent pour nous parler des nombreux aspects du quotidien, sans oublier l’humour omniprésent et toujours discret. Chaque mot d’entrée nous ouvre un monde vers des personnes aimées, des lieux, des activités mais à peine quelques suggestions, de petits éclairs qui gardent la complicité. Le côté négatif de l’existence ne s’exprime pas, il est sous-jacent, certes, mais laissé du côté de la vie strictement privée. Jean-Jacques Dorio a su contenir son lyrisme, ne pas nous l’imposer, juste nous le faire ressentir.
Dans cette vie que l’auteur veut ordinaire se manifeste toujours un humanisme à ras d’un dire sans clinquant. Il parle de lui simplement et non pas du « moi je ». Montaigne n’est pas loin non seulement par des paroles mais des attitudes face aux événements qu’il convient d’adopter le plus sereinement possible, y compris le malheur. Cependant tous ces mots se voilent d’une tristesse à peine perçue un peu partout, la compagne perdue trop tôt dans un amour resté intact. Le réel n’est pas enjolivé, il est simplement dit avec ce ressenti affectif, neutre quelquefois en apparence. Nous retournons vers un passé qui rapidement se tourne vers un avenir : Pauline, le petit -fils, lumières qui traversent ce livre, cette raison encore d’espérer dans ce qui ne peut s’oublier.
Jean-Marie Corbusier

Dorio
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Tous mes fragments sont des entrées dont on ne sort pas. Il doit y avoir une explication que je ne donnerai pas ici, naturellement. J’ai mieux à faire que de confier au papier ces confidences d’écrivains qui étalent à longueur de pages leurs démêlés avec leur œuvre. Écrire des fragments me libère de la prétention d’écrire une œuvre. J’ouvre des instants de vie, des plages sur lesquelles je ne fais que passer, comme un courant d’air, le soleil rond que je puis regarder depuis mon atelier quand il plonge dans la mer, le soupir sur la partition d’un musicien…et le reste, qui est hors de toute littérature.

OIROD
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LES MOTS DÉBORDENT Je les retiens Les mots du bord Qui crient détresse Je les contiens Les hache menu Trois feuillets par nuit Trois poignées de sable Pour ce dictionnaire Où l’imaginaire Sans fuir dans les mots faciles Tient tête au réel

MONTAIGNE
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Chacun porte en lui un dictionnaire, le dictionnaire d’une vie, attribuable de l’extérieur à plusieurs individus, mais que l’écriture personnelle rend étonnamment « singulière ». Devenu en lisant, « le lecteur de soi-même », puis, en écrivant, le témoin des conflits entre mémoire et oubli, petite histoire et Histoire « avec sa grande H », faire vraiment « un dictionnaire à part soi », permet, échappant à toutes les entreprises d’un moi identitaire (la plaie de nos démocraties), de réactiver les seules questions qui devraient compter dans nos sociétés sans boussoles : qui suis-je ? et que sais-je ? C’étaient les questions posées par l’auteur des Essais, qui consacra le meilleur de sa vie à chercher, non sans se contredire, des manières de vivre, nous affranchissant de toute contrainte provoquée par « l’ego » : "un parler ouvert ouvre un autre parler, comme fait le vin et l’amour. "