
Question : vous avez récemment publié un communiqué de presse faisant état d’intimidations dont vous auriez été l’objet. De quoi s’agit-il ?
Vasyl V. Prostenkov : En effet, mon activité d’écrivain libre, mes publications et déclarations sur les réseaux sociaux relayées par la presse, mon prochain roman (1), un biopic qui raconte l’histoire d’un général putschiste aux petits bras mais aux grandes oreilles qui se maintient au pouvoir par la prévarication, la terreur de ses services spéciaux, la peur et la torture, son populisme de façade aussi, mais également mon roman Juan Bernet, en lequel quelques sombres personnages politiques ont cru se reconnaître à travers le monde, m’ont valu et me valent pressions et menaces. Mais c’est bien mal me connaître que penser que je puisse céder à quelque intimidation que ce soit ! Je suis ukrainien, mon âme est slave. Je ne recule jamais. En mémoire de mon père diplomate, qui avait vécu l’oppression stalinienne. Mes manuscrits sont déposés chez un ami notaire argentin et j’ai le révolver sous la couette…
Question : Dans le roman Juan Bernet, votre anti-héros est un politicien douteux qui a mis en coupe réglée une ville de la banlieue de Buenos-Aires et évoquez « sa lente déchéance, ses efforts désespérés pour s'agripper au bastingage et éviter la chute fatale ». Comment expliquer cet acharnement à se maintenir au pouvoir qui est la marque commune de tant de dictateurs et de despotes locaux ?
Vasyl V. Prostenkov : Ce sont des individus dont le cynisme et l’insensibilité, l’absence de toute morale, le mépris pour leurs concitoyens qui les conduit au systématisme de la spoliation d’autrui et au vol des fonds publics par appât effréné du gain, mais aussi la hantise de la mort, qui seule viendra interrompre leur obsession de captation, s’accrochent par tous moyens au bastingage de leur navire, quand bien même ils le mènent au naufrage. En faire le portrait, c’est plonger dans l’inouï, l’insondable noirceur de l’âme humaine dont le pouvoir est un révélateur puissant.
Question : Vous écrivez en anglais, vous maîtrisez l’espagnol et le français. Vous exercez une activité d’économiste en chef dans un cabinet de consultants international. Quel regard portez-vous sur le monde actuel et sur les dirigeants qui conduisent aux destinées de leurs pays ?
Vasyl V. Prostenkov : Ce regard est sombre et, vous l’imaginez, se porte d’abord sur l’Ukraine. L’accord scélérat que s’apprêtent à sceller Trump et Poutine pour dépecer mon pays, le mettre en coupe réglée, puis, après avoir renversé le régime de Zelensky, installer en ses lieu et place un pouvoir fantoche qui se vautrera dans les milliards de dollars de la reconstruction entre copains et coquins ; le même accord que Trump et Netanyahu rêvent de sceller aussi, dans le silence assourdissant de la communauté internationale, en tous cas des occidentaux, pour vider définitivement Gaza de sa population autochtone, déportée massivement, et créer une sorte de Gaza Beach livrée aux promoteurs immobiliers bétonneurs de littoral, aux investisseurs internationaux et aux fonds vautours, tout cela révèle que le cynisme mène le monde. Vous le voyez, j’ai encore matière, hélas, à écrire beaucoup…
(Propos recueillis par Eugenio Sotto-Vasquez)
(1) « Chronique d’un tyran ordinaire » à paraître au 4ème trimestre 2025