Dans le silence de l'amour

« Non, le fait est que Dieu m’avait pissé dessus,.

M’imposait la position du résipiscent,

À genoux, broyant noir, à nettoyer sa pisse. »

Dans le silence de l’amour n’est pas un recueil pour les âmes tendres, avec sa poésie âpre, dense, charnelle. L’auteur y explore avec une langue viscérale les territoires de l’effondrement : corps vieillissants, solitude obstinée, société sans hauteur, désirs résiduels. Ici, pas de métaphores éthérées ni d’élans lyriques : c’est la chair, la honte, la fatigue, l’échec - et parfois, une tendresse improbable.

Les poèmes qui composent cette œuvre abordent la vieillesse, le désir et la quête insensée d’un sens de la vie qui se dérobe sans cesse. L’auteur nous invite à une exploration frontale de la souffrance, de la révolte intérieure, et de l’inexorable fin de tout. Par ricanements cinglants, il trace les contours d’une existence marquée par l’impossibilité d’échapper au vide. C’est un livre de l’épuisement et de la clairvoyance, mais aussi de la persistance - fragile et obstinée - du désir d’aimer de cet amour plus fort que la mort. Plus dangereux, aussi.

Dans le silence de l’amour s’impose comme le recueil le plus abouti de l’auteur, à la fois testamentaire et incandescent. Poète, écrivain, penseur de l’oblique et du repli, Luc Tironneau écrit comme on décape une plaie : sans détour, sans fard, avec une lucidité qui brûle. Il manie la langue comme une arme : phrases courtes, images tranchantes, sarcasmes mélancoliques. On pense à Céline, bien sûr, pour la rage et la musique heurtée, mais aussi à Artaud pour la cruauté du corps, à Genet dans l’humiliation et la solitude scandée, ou encore à Thomas Bernhard avec cette ironie implacable et une logorrhée désespérée. Et parfois, voire, à Houellebecq dans le refus frontal des simulacres. V. Seghers.