
Le duo des ténèbres
Un soir de Noël. Quelque part dans Paris. Une femme seule. Un homme seul. À vol. d’oiseau, ils sont très proches l’un de l’autre. Mais ils ne se connaissent pas, ne se rencontreront jamais, n’auront jamais l’occasion de se parler. L’essentiel qui les unit ce soir, c’est leur secret. Un secret ébréché. Un secret écorché. Un secret presque désespéré. Ce secret est leur connivence. Dans le mystère de la Nativité. Dans la nuit dédoublée…
D’origine kabyle, le jeune auteur R.S. Helcim Nilbel a choisi de se consacrer de plus en plus à la littérature française. Son troisième « roman » - duo-duel entre deux seniors écorchés vifs - continue d’explorer l’âme humaine au travers des sortilèges de la langue : monologue trivial de l’une, langage châtié de l’autre. Cette citation de Maupassant pourrait être sa devise : « Des mots noirs sur une page blanche, c’est l’âme toute nue. »
Note de lecture + 6 citations sur le site de Babelio
https://www.babelio.com/livres/Nilbel-Le-duo-des-tenebres/1878488#criti…
Ce DUO-DUEL (qui des deux personnages aime le plus ? Souffre le plus ? Fut le plus abîmé par sa famille ? S'en sortira le moins mal ? Etc.) est absolument pathétique voire bouleversant. Les quelques saillies comiques de la femme n'y changent rien. le rire s'étrangle dans la gorge du lecteur.
Helcim Nilbel – ce jeune auteur inconnu – continue dans son troisième "roman" à sonder l'âme humaine, en utilisant les sortilèges et les arcanes du LANGAGE. Que ce soit la langue châtiée du vieux prêtre ou le registre trivial de la prostituée décatie, ce sont les mots qui expriment les blessures de l'Amour fou, ici quasiment pathologique voire grotesque. D'une manière haletante, sans répit, comme dans deux souffles entrecroisés, les mots de Lucienne et de Julius triturent, déchirent, lacèrent, explosent... parfois s'adoucissent et caressent, dans un registre velouté, presque apaisé. Et c'est alors que le lecteur (l'être humain qui vibre et palpite dans et par le rituel de la lecture) se prend à croire à nouveau à l'Amour, à ses doux sortilèges, à ses caresses de miel ! À ses promesses. Surtout un soir de Noël...
Néanmoins, l'ensemble de cette brève confrontation quasiment "théâtrale" reste, je trouve, éprouvant, parfois désespérant. Concernant le "héros", je ne m'attendais pas à un tel dénouement, dans la chambrette mansardée (les toutes dernières lignes de l'épilogue). Grâce au style épuré du romancier, j'ai pu visualiser cette scène brève et implacable et j'avoue (sans honte) que les larmes ont jailli. Mais dès la citation du début du livre, j'étais prévenu : "Nous ne savons pas aimer..."
En tout cas, même si nous ne "savons" pas, ce double témoignage (autobiographique ?) donne aux lectrices et aux lecteurs le goût ou l'avant-goût doux-amer de l'Amour. Davantage bière que sirop ! Certes, nous ne "savons" ni chérir ni pardonner mais ici, nous RESSENTONS. Avec empathie. Sans cynisme. Parfois avec humour, Toujours avec une infinie tendresse. Et c'est ce qui donne à ce double cri, dans de si épaisses ténèbres, à la fois la pureté et la dureté d'un DIAMANT étincelant, si rare, quasiment introuvable dans la production littéraire de masse qui encombre si banalement les étals des libraires. Comme quoi, c'est la sincérité qui est payante ! Même quand elle est douloureuse et ici malséante.
Si les vrais, les grands romans sont ceux dont les personnages continuent de nous hanter, une fois le livre dévoré et refermé, LE DUO DES TÉNÈBRES en est un, sans conteste. Un "petit" livre à deux voix qui certes se lit très vite mais dont l'empreinte subsiste longtemps, aussi tenace que vivace.
Signalement