
En écrivant un premier roman, "Un beau jour où peut-être une nuit", à 26 ans, j'ai voulu, par l'écriture, porter la voix - et les cris aussi - de mes sœurs gabonaises, et, à travers elles, et la voix et les cris et les pleurs et la détresse et le courage de toutes celles qui, en Afrique, sont le visage maternel, sont le visage d'espoir de pays où leur sort est injuste.
Oui, mais tu fais comment pour faire entendre ces voix ? Éditeur gabonais qui te publie ? Je le cherche encore ! C'est un éditeur français (Les Editions du Net, que je remercie) qui a publié mon livre (un comble quand même dans cette Afrique qui revendique de couper le lien avec l'ère coloniale !). Presse écrite, médias "officiels d'État", de service public comme ils disent, pour parler de ton livre ? Aucune réponse à tes dizaines de mails...Librairies pour mettre en vente ton livre ? Oui, bien sûr, si tu es assez riche pour acheter le stock et le leur déposer. C'est ce qu'elles te demandent. Et quand tu es infirmière à Libreville, avec (quand tu trouves un emploi !) 90 000 Francs CFA (140€/mois) de salaire...
En réalité, les nantis, les élites africaines installées, les gens de pouvoir ou qui se prétendent tels mais qui en ont en tous cas les prébendes, se foutent totalement du talent, de la fraîcheur des idées et de leur expression, émanant pourtant d'une jeunesse qui représente 50% de la population de la plupart de nos pays.
Et si tu y ajoutes la vision qu'ils ont de la place de la femme dans nos sociétés, quand nombre d'entre elles cherchent à s'exprimer et à créer, voilà qui les fait rire aux éclats : hi, hi, hi ! "Retournez dans vos Pk, faites-y cuire les plats et soyez fertiles !"
Ils s'agacent de nos initiatives, de nos projets, de nos créations et nous tiennent en respect. Chut, taisons-nous, on les dérange ! "Foutez donc le camp en Europe si vous ne vous sentez pas bien ici" se chuchotent-ils à eux-mêmes.
"Allez, à la mer les petites, et bonne chance sur vos barques de fortune !"
Mais ce qu'ils ne savent pas, ceux-là, c'est que la force de la jeunesse créative africaine, ouverte à la multiplicité des cultures, riche de ses incroyables potentiels, est le vrai visage de l'Afrique à offrir au monde, celui qui fera du leur un masque de carnaval, un masque de foire, aux grimaces grotesques...
"Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange" écrivit Louis Aragon...